STROHMSINGER III

"Qui reprend du Flüdl?"

 

 

 

Vint alors l’Age d’Or des Prophéties et des Maléfices, l’époque bénie où un royaume naissait chaque jour, où des héros élevés au grain, plus proches de la Bête que de l’Homme, s’improvisaient et venaient défier les dieux sans guère se soucier alors des problèmes d’hormones et de la relégation de l’O.M.

Ce fut l’Ere des Grands Changements, des Magiciens rompus aux langages des arcannes. Le Temps des Glorieux Anciens qui modelèrent le monde à leur gré : grâce à une pâte colorée, ils façonnaient des petits chef-d’œuvres de modèles réduits, exposés en vitrine plus loin.

 

CHAPITRE I : Là où on se rend compte que l'histoire commence

 

La Légende disait que le premier Sorcier qui exécuta une culbute arrière sans les mains fut Cirlé de Melnibono, prince albinos, à l'occasion du grand concours du « Fais du bruit avec ton corps », vénérable réunion syndicale et festive de tous les troubadours des alentours des douves.

Cet exploit lui permit de remporter une compilation musicale inédite du groupe médiéval Migraine-Farmer-et-les-Caleçons-en-folie.

Cirlé le guerrier-magicien était un héros craint et respecté dans toutes les contrées du Royaume. Il était également totalement inconnu.

 

Comme l’énonçait toujours le vénérable Maître Yodl, toujours petit mais costaud : « En ces temps reculés, la règle était d’avancer... ». Ce paradoxe avait d’ailleurs anéanti tous les espoirs de voyage dans le passé.

Maître Yodl, un travesti tyrolien bègue à forte poitrine, avait été le précepteur spirituel de Cirlé à l’époque de ses premières rages de dents.

 

Cirlé naquit dans les moments les plus proches du début de sa vie, dans la contrée de Oberniederthal, au royaume de Melnibono.

A n’en pas douter, il n’avait pas été choisi au hasard pour paraître dans les présentes péripéties : fils renié du Roi et grand sorcier, Cirlé l’albinos arpentait depuis quelques temps déjà le vaste monde à la recherche d’une vengeance ou de quelque assassinat à accomplir.

 

Bien qu’appartenant à une race de nécromants puissante et éteinte depuis des siècles, Cirlé dut se retenir gaillardement de ne pas ventiler bruyamment ses inconvenances intestinales au moment de sa première invocation de démon, tant il était ému. A son arrivée, le démon lui-même dut se couvrir la face pour ne point inhaler mortellement les annales pestilences du sorcier. Il ne put d’ailleurs s’empêcher de vociférer :

- Foudieu, quelle fouettance !

L’avertissement fut ensuite transmis sur tous les Plans Chaotiques : par la suite, tous les démons en déplacement sur Terre apparaissaient munis de masques dans les tons les plus divers et variés. Le plus classique étant celui de Mickey. Cirlé portait d’ailleurs depuis toujours une culotte en amiante.

 

Ce matin là, vers 16h, le soleil se levait, tremblotant, sur la contrée de Glattemorbouille, déjà accablée de cette fin de journée.

En ce jour de la Saint Jordy, tous les habitants de Morfouillebide savaient que c’était le moment de la récolte des fonds pour le terrible souverain du pays, Karl-Heinz Fidlidi, qui dépensait tous ses troufions (la monnaie de cette paisible contrée survolée de dragons flatulents – une espèce redoutable en été) en loisirs peu recommandables.

 

Cirlé le sorcier avait décidé aujourd’hui de se lancer dans une action mémorable pleine de courage et d’éclat et que ses arrières petits enfants raconteraient à leurs petits enfants : libérer son village d’enfance du tyran Karl-Heinz Fidlidilidlailai, mais surtout d’aller se faire refaire les dents de devant avant ce soir.

En effet, Cirlé avait déjà eu affaire au despote, lors de son ablation de la testicule droite, la plus douloureuse, ce qui le priva d’agréables activités avec Dame Régine-de-l’Epi-de-maïs-tremblotant.

Certes Karl-Heinz Fidlidilidililalilali lui avait concocté un breuvage pour le moins liquide qui laissa Cirlé dans un état que l’on qualifierait de léthargiquement fatidique pour son testicule gauche. Le pauvre Cirlé avait vu sa renommée dans ce trou perdu totalement discréditée par son valet Hans, dit « le Grand Archéologue Nasal ».

 

Karl-Heinz Fidlidilaoui, dit « l’Homme à l’oreille en forme de tête de pied », appartenait à la redoutable Caste des Serveuses à Culotte Inviolable. Il était généralement vêtu d’un treillis de combat de la dernière collection de chez Marcel Dior, assorti à un caleçon de bataille en flanelle rose issu de la même boutique (trois pour le prix de deux).

 

L’ennemi de Cirlé, Seigneur des Castors à Queue Tridimensionnelle, était un Sorcier dangereux. Il rêvait secrètement de se produire en concert avec Francis Lalienn et Gunther Bruel. Il citait d’ailleurs souvent à ce propos, sa devise célèbre : « Y’a baleine sous le gravillon de Gertrude, c’est cool, y’aura du poisson à midi, diantre ! ». Il avait même assisté au concert de Jordy en Flatulie Orientale.

 

Le plus fidèle bras droit de Karl-Heinz Fidlidilididididididididi était son bras gauche, armé d’une lame monstrueuse : « le Glaive runique bilame des Titans de l’Etoile du Matin Céleste aux six Griffes du Démon dans les Abîmes des Ténèbres ».

 

Ce jour était un jour noir. La caravane du cirque du tyran apparaissait dans le lointain flamboyant brumeux de Morfouillebide, à l’heure où les Flamby sont ingurgités par les redoutables Serviteurs Guerriers de Karl-Heinz Fidlidilididititididi.

 

Cirlé se réveillait glabreusement pourchassé par le sommeil, après une nuit passée à tenter d’invoquer des Démons du Plaisir, avec malheureusement peu de réussite : seul un démon des flatulences acharnées avait répondu à son appel. Cirlé devait encore aller chercher son épée Hémoglobine, oubliée chez sa maîtresse Olga Bigschnouf, la délectable.

 

Cirlé monta donc prestement sur son fidèle destrier Carpette, premier remplaçant de Confiture, non sans oublier son fidèle valet Hans, toujours présent dans les moments douloureux. La première mission de nos deux héros fut, bien entendu, de divertir la belle Olga Bigschnouf tout en récupérant Hémoglobine.

Leur stratégie était simple : la même que d’habitude.

Ce problème crucial résolu, voici donc la démarche de nos valeureux compères, en effet elle avait beaucoup évolué depuis la dernière saison de friands et croque-monsieur : divertir Olga tout en récupérant Hémoglobine. Ceci fut fait grâce à l’intervention de Champignus, son fidèle tronche de cake que personne n’avait vu sous les feux de l’action, tant elle fut rapide.

 

De nouveau réunis, le duo fabuleux n’avait qu’une idée en tête : se payer la hanche de Karl-Heinz Fidlidilidididididididididi (que l’on appellera dorénavant KHF pour plus de commodités) et turlupiner le dos de la vicomtesse de Fragrance-de-rognons.

 

Nous profitons de ces instants de réjouissance pour décrire brièvement le fidèle ami de Cirlé, Hans l’Indescriptible.

La puissance de combat de Hans ne faisait aucun doute. Dès sa naissance, il livra sa première bataille sans merci contre Mère Nature, de qui il avait hérité son physique pour le moins crypté.

En ce qui concerne son intelligence, la présence d’une fée qui aurait confondu une massue avec sa baguette magique lors de sa naissance, n’y est probablement pour rien : la génitrice de Hans avait oublié de payer la taxe sur le cerveau. Ses jeunes années ne furent que rixes et beuveries. Mais surtout rixes. Quoique les beuveries ne furent pas à négliger pour autant.

 

Leur premier objectif commun fut de récupérer le fameux parchemin magique de José Garcimor’zyloeil (prononcez « Rossé »), qu’ils allaient trouver dans les contrées de Nojnod, à droite de la carte.

 

Nojnod était un pays de pêcheurs à la réputation sulfureuse. Ne disait-on pas : « Si tu vas au thermes de Nojnod, ne te baisse pas pour lacer ta sandale, à moins de porter une culotte de maille » ?