Nicolas Gautherot et Raphaël Goetter (sibelius@bonjour.fr)

 

 

STROHMSINGER

troubadour survolté

 

 

 

 

 

LE CYCLE DE CIRLE
tome 1

 

 

 

 

 

 

1994
Titre original :

 

LES FEUILLES MORTES SONT MOINS PRUDENTES DANS LEURS EXPECTATIONS TRANSCENDANTALES  QUE LA FOLIE DOUCE CONSCIENTE ET PARFUMEE DE LA RAISON DE L'ARBRE EN BOIS QUI LES A PRODUITES.

 

Traduit du belge.

 

 

, , 1994 by the anonyms authors.

 

 

Attention : ce récit n'est pas un récit comme les autres, puisqu'il s'agit de la version originale du texte ayant servi de support pour le Cycle d'Elric, de Michael Moorcock. Ce texte original, dont les fragments les plus anciens sont si archaïques et illisibles, est estimé plus vieux que l'invention de l'écriture. Moorcock a repris de nombreux éléments du Cycle Originel, tel que des noms comme Cirlé (Elric), Strohmsinger (Stormbringer), Morvelaide (Mournblade), Ylé­kon (Yyrkoon), Jagrip Lerb (Jagreen Lern), Mamelrose (Mabelrode), Bhardhos (Charhdros) et bien d'autres encore.

 

 

 

ATTENTION : Toute reproduction, traduction, copie, location, prêt, transmission, utilisation de citations et toute représentation publique sans au­torisation sont vivement encouragés, en vertu du Code Pénalty, article 56462 alinéa 321,2.

 

 

Note des auteurs qui ont écrit le livre : ce document est à déconseiller fortement à certains illettrés.


 LE CYCLE DE CIRLE

EN UNE PARTIE

 

(ou Le Monocycle)

 

 

Cirlé est le premier serf de Melnibono, une terre découverte soixante ans après la mort de notre héros par un groupe d'aventuriers hard-rocko-médiévalesques du nom Vous2.

 

Serf, oui. Mais serf sans maître, puisque cette fonction fut officiellement inventée par le machiavélique Ylékon de Melnibono. Cousin de Cirlé, Ylékon s'octroie, pour la première fois dans l'histoire de Melnibono, le privilège de donner des ordres à un subor­donné.

En l'occurence, ce subordonné fut Cirlé : un beau matin, à l'heure où vont se rhabiller les poules, il devait donc errer, accomplissant de nouvelles quêtes, de nouveaux pillages, de nouveaux viols, en ayant pour obligation de rentrer pour le dîner. C'était trop de frustrations pour un homme libre[1].

Pour réparer cet affront à sa dignité de serf libre à qui l'on donne des commandements qu'il doit accomplir en acceptant d'être d'accord de se soumettre aux or­dres, Cirlé se révolta.

Pour commencer, il décida de ré­cupérer son épée fi­dèle Strohmsinger (en alsacien dans le texte), conser­vée depuis trois ans chez l'armurier du coin, et pour la­quelle il avait bientôt fini d'économiser. Depuis le temps qu'il passait devant la vitrine de l'armurier et qu'il l'admirait, elle allait bientôt être à lui.

Il possèderait alors l'épée la plus fi­gnolée du royaume, la plus solide, la plus tranchante et la plus bête que l'on puisse imagi­ner. En effet, cette épée renfermait Redrah-Relhok, un démon philosophique majeur aux pensées parfois in­compréhensibles, mais souvent d'ordre économico-gastronomico-stupides. Ce démon, ayant appartenu autrefois à l'ordre des Démons du métal-rock médiéval dont le dernier tube était La panse des canards (titre à la fois gastronomico-stupide et aux fins lucratives), vendu dans la plupart des foyers Melnibonois.

Tout cela pour dire que ce démon majeur fut enfermé dans l'Epée par un vieux grin­cheux, agacé par ses petits moutards de fils qui écoutaient le fameux groupe à longueur de journée. La première réaction du démon fut de saluer ironiquement le vieil homme grin­cheux et telle fut sa pre­mière erreur car il ne revit plus jamais sa main droite.

Le plus bi­zarre était qu'il lui restait un doigt. Lequel? Nul ne le sut jamais mais le vieil homme ne dut pas apprécier car, du coup, il l'enferma entièrement dans l'épée. Triste histoire que celle-ci, mais courante dans le lugubre royaume de Melnibono.

Toujours est-il que la joie qu'éprouvu Cirlé au toucher de l'épée dans ses mains sera difficile à décrire sur la virginité immaculée de cette page, tant la jubilation fut jouissive à un degré proche de la constante de Freund[2] . Donc, nous ne la décrierons pas.

Le plaisir de Cirlé ne fut pas, d'ailleurs, partagé par l'épée, qui lui fit comprendre par ces mots :

- Wie Geht's? (injure primitive melnibonoise)

Ce à quoi Cirlé ne répondit pas et profita de l'instant qu'il aurait perdu en répondant pour prendre son cheval Joli Pompeur et partir en quête de sa vengeance.

 

 

* * *

 

CHAPITRE DE LA FRATERNITE ET DU BARBECUE

ou Chapitre II

 

 

Cette nuit là, les cieux en colère, teintés de rouge vif et de noir obscur, en voulurent au malheureux cavalier qui ... Oui, c'est lui! Le voilà qui surgit hors de la nuit. Qu'il est preux à courir vers l'aventure au ga­lop. Son nom? Oui, il le signe à la pointe de son épée.

- Si je veux! Ach, espèce de Wie geht's, c'est moi l'épée!

Dans la tempête, Cirlé distinguait, au lointain, un cavalier invisible qui le poursuivait. La foudre frappa l'inconnu, ce qui permit à Cirlé de le reconnaître.

- Maman! Cria-t-il.

Mais ce n'était pas sa respectable génitrice. Au contraire, l'individu entièrement carbonisé par la foudre se présenta comme Hans, le joueur de flûte-rock melnibonoise.

- Bonjour, je suis Hans, le joueur de flûte-rock melnibonoise, je suis entièrement car­bonisé par la foudre. J'appartiens au groupe métallo-pop Ozzy Grossburnes, mais le groupe vient de se séparer.

Il choisit le moment de silence qui suivit son intervention pour laisser échapper un discret "Aïe!" lorsque son bras, rongé par les flammes, chût mollement au sol.

L'épée de Cirlé ne prêta pas attention à l'événement et s'écria :

- Ach zo! Vous connaissez Ozzy Grossburnes, c'est mon frère. Je n'espérais plus le revoir après que l'on m'aie enfermé dans ce glaive. Avez-vous des nouvelles de lui?

- Ce serait avec un plaisir non dissimulé que je me verrais satisfaire votre sollicitation, mais avant tout, vous serait-il possible de soulager, de manière bien orgueilleuse, mes modestes indispositions en éteignant ces flammes qui me consument, au moins pour un instant. Je m'excuse de vous en demander tant, mais je me sens légèrement faible de mon bras gauche restant.

Cirlé se rua sur un petit seau métallique rempli d'eau fraîche qui se trouvait posé à quelques pas de lui. Il le porta à la bouche et se désaltéra goulûment.

- Mmm, désolé mais je ne tenais plus.

Puis il alla remplir le seau une seconde fois pour asperger le moribond. Il fut remercié par un "râââh!" de contentement. Hans s'endormit

De longues heures passèrent et Hans, affecté par un soudain et douloureux décro­chement de la mâchoire dut s'arrêter de ronfler afin de pouvoir pousser son cri tranquille­ment.

- Hahhhaehoaeaeahooahe. S'exprima-t-il, la langue flapotante.

Un instant de profond silence suivit son immixtion. Il ramassa et remis en place sa mâchoire un instant délaissée.

- Désolé de vous réveiller, messire Cirlé, mais je me permet de profiter de ces mo­ments d'éveil pendant lesquels je ne dors guère pour exté­rioriser mon tourment que je n'es­père pas trop pétulant. Encore désolé.

- Ach! Répondit Redrah-Relhok sur un ton neurasthénique mais péremptoire. Mainte­nant que tu es réveillé, parle-moi de Ozzy!

- Ah, Ozzy. Chut, il ne faut pas évoquer son nom trop fort car il n'est plus le vaillant démon que nous avons tous connu. En effet, depuis que Jagrip Lerb le Sagouin l'a reclus à tout jamais dans mon épée Morvelaide, il n'a cessé sa grève de la faim. J'ai beau lui répéter qu'un démon n'a pas besoin de se sustenter, il ne veut pas m'entendre et refuse de changer d'avis.

Strohmsinger éructa.

- Zo! Tu ne m'avais pas dit que Ozzy était avec toi, et dans une épée, en plus. Je veux lui parler immédiatement.

Hans fit un mouvement de la main, découvrant sa cape aux effigies des joueurs de flûte-rock de la contrée de Pan Pang, et laissant apparaître un fourreau en écailles de dragon dans lequel reposait fièrement un superbe glaive runique ordinaire, au manche en forme de poignée d'épée tout à fait normale et à la lame identique à celles des glaives les plus communs. Cirlé et Strohmsinger restèrent bouche bée devant la banalité si ordinaire de l'arme démon.

- Quelle belle épée ordinaire! Ne put s'empêcher de juger Cirlé

- Ya, je reconnait bien ma large épée-soeur, renchérit Redrah-Relhok. Comment vas-tu, Ozzy?

L'interpelé reconnut également son frère.

- Pas trop mal, mais je me sens légèrement à l'étroit dans ce glaive ordinaire, répondit-il.

- Si ce n'est que cela, pense un peu au pauvre Bhardhos, enfermé dans un bouton de chemise fleurie lorsque la mode était à lier des démons avec n'importe quels objets.

- Tu as raison, pensons plutôt à nos retrouvailles. As-tu terminé ton étude sur la psychologie en marketing de saucisses de Pan Pang?

-       Ach, vois-tu, je suis arrivé à un point où l'on peut supputer, avec une marge d'erreur de 3% de la distorsion totale du marché mondial, que les saucisses, telles qu'elles sont analysées par les psychanalystes de l'institut de Zôtrland, dans le monde parallèle de ...

 

 

 

 

 

Voilà. On discute, on discute, mais on ne voit pas le temps passer et en attendant, à Melnibono, Redrah-Relhok avait fini son exposé. Dépê­chons-nous, avant qu'il ne remarque qu'on a tronqué son discours.

- Que penses-tu de cette théorie finale qui termine la conclusion de mes récentes analyses? Demandait Redrah-Relhok.

- Très intéressant, surtout du point de vue socio-gastronomique, même si l'aspect économique n'est pas pour autant laissé de côté. Je suis fier de toi, frérot.

Ozzy applaudit (ne me demande pas comment), ce qui eut pour effet de réveiller Cirlé, un instant assoupi. Il sursauta.

- Hein?! Non, j'ai pas classe aujourd'hui, maman! (souvenirs refoulés de l'auteur)

Cirlé regarda autour de lui et se rendit compte rapidement qu'il se trouvait encore dans la plaine de Oberniederthal, au sud de Melnibono.

- C'est bien beau tout ça, mais ma vengeance n'avance pas d'un poil avec vos débats. Dit-il, courroucé, en pensant qu'après tout, sa ven­geance n'était guère capillotractée avec les deux épées-démon ne cessant leurs débats.

- Je vais invoquer un démon de transport pour qu'il nous conduise rapidement au château d'Ylékon. Je dois bien avoir une invocation sur moi.

Il ôta son armure de plaques démon et se retrouva en caleçon long démon. Il fouilla longtemps dans sa poche et sortit finalement un bout de papier en piteux état.

- Bien. Il me suffit à présent de trouver les bons ingrédients.

- Pour commencer, poursuivit-il, il me faut un oeil de dragon atteint de strabisme divergent et cuit pendant deux à trois minutes puis trempé dans un mélange de lait de Dayak et de Corn Flakes sucrés...

Plop!

Pardon?

Plop!

Un appendice pédestre venait de dépasser de Morvelaide. L'épée avait perdu tout à coup sa banalité qui la caractérisait, elle possédait à présent trois orteils sur son flanc gauche.

Ou droit.

- Ah! Je savais que j'avais grossi ces derniers temps, s'excusa Ozzy, soulagé d'être un peu moins à l'étroit dans le glaive.

 

* * *

 

INTERMEDE DE LA BANDE VERTE TREPIGNANTE.

ou Chapitre III

 

 

"Mineur (Démon-) : Ne laisse pas ton esprit se troubler et ta vision s'obscurcir par le Démon du Plaisir féminin aux 95 cm de tour de poitrine lorsqu'il te demande d'exaucer n'importe quel souhait."

 

     Extrait de l'Encyclopaedia Kamasutrae

 

 

Le groupe se mit donc en route vers l'Ile aux Enfants où ils partirent chercher les rires et les chants des dragons, là où c'est tous les jours le printemps et où se réfugient toutes les créatures du Chaos en voyage sur le plan terrestre.

Le voyage fut long et périlleux, puisqu'au bout d'une heure, ils navet parcouru que 28,5 mètres par seconde, avec sept mètres de retard.

-Il faudrait peut-être ralentir la cadence, car nos paresseux de monture se fatiguent. Peut-être devrions nous en changer?

-C'est hélas la seule monture que je pue (ce qui n'est pas en soi une faute d'orthografe, snif) me fournir dans ces environs proches de notre mitoyenneté directe.

- J'acquiesce, acquiesça positivement d'un ton affirmatif mais décidé, Cirlé. Si, si! (comme dirait une pulpeuse blonde, mais néanmoins petite, engagée comme testeuse de saucisson sec pour une marque que l'on ne citera pas. Cassée la fille, hein!).

Il semblait que la quête s’avérerait très longue car une nouvelle quête dans la quête venait de débuter : où trouver une nouvelle monture?

Voilà le problème crucial, mais néanmoins dogmatique, auquel sont opposés nos valeureux héros : où trouver des toilettes dans les parages ? Le moment est bien choisi pour profiter de cet instant pour remercier nos sponsors sans qui nous ne serions pas là en ce moment. Merci encore à tous ceux que nous avons oublié.

 

Prenant conscience que l'aventure n'avançait guère, Ozzy beugla sou­dainement :

- Arg, des Wibele Jaunes de couleur bleu-ciel! Sort moi de mon fourreau, Hans!

En effet, trois Wibele Jaunes à l'allure menaçante mais amicale avançaient, laissant deviner leurs intentions bienveillantes, bien que perfides. Vous l'avez compris, les Wibele, créatures du Chaos, sont d'une nature changeante rare et peu commune : leur humeur éphémère est versatile et varie à tout moment. Ils peuvent, en combat, vous sauver la vie puis vous assassiner sauvagement dans la seconde qui suit; ou inversement.

- Méfions nous d'eux, chuchota sporadiquement Cirlé, ils ont l'air trop sympathiques, il sont peut-être bienveillants.

Hans tira prestement Morvelaide de son fourreau d'un geste grâcieux rappelant va­guement celui de son grand-père Hansel, dans Hansel et Gräetel à la poursuite du saucisson sec démoniaque (Tome II), lorsque celui-ci, manchot et attaché à un arbre en bois de­puis deux semaines, tente de se laver les dents du fond avec les pieds et sans brosse à dents.

 Ozzy fut d'ailleurs tout aussi majestueux que son maître en poussant dignement une vocifération tonitruante losqu'il fut sorti du fourreau.

- Imbécile, tu m'a foulé l'oreille!

Effectivement, une belle oreille un peu dégoulinante dépassait sur un flanc de Morvelaide et présentait une légère entorse des ligaments externes.

Cirlé observa rapidement la chose et diagnostiqua :

- Mmm, deux jours d'immobilisation totale s'imposent, désolé Hans, tu ne pourra pas te servir de ton glaive pendant un petit moment.

Hans, à contre-coeur, lâcha l'épée qui tomba avec une verticalité déconcertante en direction du sol.

Pendant ce temps là, les quatre Wibele s'approchaient machiavéli­quement, arborant de larges sourires jovials exprimant joie, peur, haine, cruauté, bonté et ponctualité.

Trois Wibele s'approchèrent de Cirlé à grands pas. Les deux autres menaçaient sympathiquement Hans qui dégaina un cimeterre, profitant du fait qu'au loin un Dayak poussa impromptuement un gazouillis évocateur en offrande à sa compagne :

- Stranger in the niiiight! fredonnait solennellement le Dayak amou­reux.

Cirlé n'eut qu'un coup à donner pour que les deux premiers Wibele s'effondrent, la tête tranchée. Les deux autres se ruèrent sur lui et entamèrent une conversation cordiale sur la météo médiocre qui sévissait en ce moment sur Oberniederthal, tout en le frappant sauvagement de leurs haches à deux mains et en se protégeant grâce à leurs boucliers- démons à deux mains également. Avec leur main restante, ils entamèrent une partie de dés.

 

- Vous joignez-vous à nous? Demanda l'un des Wibele.

Cirlé le frappa au mollet. Redrah Relhok utilisa alors sa compétence magique de démon majeur appelée Plaies Mobiles : l'entaille sanglante au mollet se déplaça rapidement sur le corps du Wibele en direction de ses organes génitaux. Le monstre s'affala en poussant un hurlement de surfemme.

Hans, quant à lui, avait plus de mal à se défaire des trois Wibele qui l'entouraient. Pourtant, il avait un léger avantage : pendant le combat, ceux-ci jouaient aux strip-dés et avaient déjà perdu leurs armures et leurs chaussettes. Mais n'oublions pas que Hans ne combattait plus dorénavant qu'avec sa main gauche restante, et sans son glaive Morvelaide. C'est pourquoi il fut obligé de terrasser difficilement les sept Wibele en les empalant tous d'un seul coup de sa dague de dix centimètres. Mais c'est une dague-démon.

 

Il ne restait bientôt plus qu'un seul Wibele Jaune. Il était chétif et désarmé. Il était également entièrement dévêtu : il jouait très mal aux dés.

Hans se préparait à sauter sur lui, lorsque Cirlé le retint en vol et lui adressa la parole en ces termes. Je cite :

- Non, Hans, tu vois bien qu'il est trop puissant, nous avons laissé trop de force dans le combat. Je préfère appeler verbalement de façon orale le Seigneur du Feu afin qu'il m'entende.

Il s'assit sur le sol dans la position de la Mouche Assise en Position d'Homme.

- Bahr Bekiou, je t'appelle car la Mort rôde dans les parages. Daigne répondre à mes supplications le plus vite possible. En échange de tes bontés, je t'offre l'âme et les chairs de ce Wibele surpuissant.

 

 

 

"Invocation : Jagrip Lerb venait de tracer son quadrilatère à sept cô­tés sur le sable. Ce même sable sur lequel la mer allait et venait, inlas­sablement, et moi je t'attendais en pleurant. Et j'ai crié, crié, Vaseline, pour que tu reviennes. Mais je m'égare. Son hexagone, donc, avait la forme d'un carré auquel un côté aurait été rajouté. Il fuma un brin d'hellébore (à consommer avec modération) pour atteindre un état de transe parfait..."

 

              Encyclopaedia Kamasutrae

 

Le Wibele en question, atteint de rhumatisme à la jambe, se reposa brutalement contre un arbre et en perdit son dentier.

Pendant un moment, il ne se passait rien, l'on entendait que les dés rouler du côté du Wibele. Puis, lentement, les nuages adoptèrent une coloration noire, ce qui ne ce voyait cependant guère la nuit. La foudre frappa soudainement, ce qui est souvent le cas, et tomba sur Hans qui s'affala de tout son long. On entendit une voix sépulcrale dans les cieux :

- Zut!

La foudre tomba une seconde fois, mais sur la créature chaotique cette fois. Elle se carbonisa immédiatement.

Cirlé s'écria :

- Brochettes pour tout le monde, c'est ma tournée!

Déjà le jour pointait à l'horizon. Hans récupérait déjà et Cirlé décida d'inspecter les corps des vingt-trois Wibele.

Il trouva divers objets intéressants : des haches à trois mains, des dés pipés et des photos cochonnes. Il confisqua certains de ces objets, mais ne toucha pas aux armes et aux dés.

Dans la poche du dernier Wibele, il découvrit deux fioles : l'une con­tenait un liquide laiteux de couleur blanche, l'autre une substance glau­que et rouge dégageant une odeur fétide. Les deux fioles avaient été éti­quetées, mais celles-ci se sont détachées durant le combat. Sur une éti­quette on lisait : lait de Dayak; sur l'autre : steak déshydraté, rajoutez 20ml d'eau et chauffez sur 6 au micro ondes.

Cirlé ne retint pas sa joie :

Nous avons enfin le premier ingrédient de notre potion invocatoire, le lait de Dayak. Il ne nous manque plus que l'oeil de dragon atteint de strabisme divergeant, et les Korn Flakes sucrés.

Il mit la potion au liquide douteux dans son rucksac Adadas et jeta celle au liquide blanc au loin.

Mettons-nous en route, nous devons vite trouver un dragon.

Leur progression était de nature à aller vers l'avant, de façon à avan­cer devant soi le plus possible, pour ne pas perdre de temps. Redrah Relhok enregistrait, pour les Mémoires de Cirlé tout ce qui se passait depuis le début de leurs périples.

- Dites donc, les héros, protesta-t-il alors que le groupe venait de faire une pause, cela fait déjà huit jours que la vengeance de Cirlé piétine, mais en plus, les actions et les cascades ne sont pas très nombreuses. Le lecteur va se lasser . Regardez un peu :

 

 

STATISTIQUES DE LA QUETE

 

* Repos, sommeil : 36,3%

* Marche à pied, à cheval et à pied pour le cheval : 27,4%

* Combats : 8,5%

* Discussions philosophiques : 4,1%

* Combustion de bras : 3%

* Acide benzylocarbonique : traces

* Temps perdu : 21,9%

 

- Vous voyez : presque 22% de temps perdu que l'on aurait pu utiliser pour gagner du temps!

- Tu as raison, Redrah Relhok, tâchons de dénicher plus de créatures et d'accomplir plus de cascades. On est des héros, oui ou non?

Ozzy proposa :

- On a qu'à faire un gigantesque concert métallo-pop médiéval! Qu'en pensez-vous?

- Bonne idée, acquiesça Hans, cela va attirer du monde et plein de pépettes.

 

 

"Epée Démon : Lorsque Jagrip Lerb le Sagouin voulut lier à vie un démon de combat à son épée, il espérait posséder la première épée in­telligente et toute-puissante dans le Royaume. Malheureusement, il se trompa d'incantation et appela un démon bouffon du chaos. Si votre épée se transforme toutes les dix secondes en bilboquet, en banane ou en hochet en peau de testicules de dayak, elle fait partie de cette généra­tion. Veuillez la rap­porter au magasin, notre service après-vente vous en saura gré."

 

     Extrait de l'Encyclopaedia Kamasutrae

 

 

Hans terminait d'accorder sa flûte-rock tandis que les deux glaives-démons Strohmsinger et Morvelaide commençaient leurs vocalises. Deux baffles géantes en cuir de dayak avaient été disposées de chaque côté d'une cène improvisée. Avant le concert, Cirlé réunit son disciple, son cheval Joli Pompeur et les épées autour de lui. Il prit un pain rond, le divisa en douze parties égales et le distribua en disant :

- Grouillez-vous, y'en aura pas pour tout le monde. Il est dans mon sac Adadas depuis plus d'une semaine, il n'est peut-être plus très frais.

Hans, qui avait déjà englouti sa part, approuva :

- Beurp!

Puis Cirlé prit une outre de vin et en versa dans une coupe en disant :

- Voici la coupe que j'ai gagnée au concours des joueurs de fléchettes aux pieds plats. Buvez pas tout, c'est du Château Pinarh à 100 Grandes Bronzes la bouteille. A la votre!

Après ces légères collations, le concert était prêt à commencer et Hans n'était pas vraiment dans son assiette.

La foule était nombreuse et diverse : on y trouvait aussi bien des adeptes de hard-rock médiéval, les fans de Ozzy Grossburnes, Métallu­carne (démon du foot), Morpions, que de métal-pop ou même de musi­que. C'est tout dire.

Certaines créatures du chaos était également de la fête : quelques Wibele Jaunes en caleçon, des dragons d'or et de bronze échappés de jeux de rôles, des Innommables que l'on a appelé ainsi car on ne pouvait les nommer, et de nombreux démons musicophiles, voire mélomanes.

Il se pouvait très bien que parmi ces groupies se trouvât un dragon loucheur : en effet, à Melnibono, il existait quand-même deux dragons loucheurs, mais aucun heureusement n'était atteint de strabisme. La na­ture est quand-même bien faite.

 

Cirlé, à la batterie, avertit Hans et les deux épées :

- Attention!

L'avertissement venait juste à temps, sans quoi le groupe n'aurait pas été sur ses gar­des. Il échappait ainsi de justesse à un événement qui au­rait pu se produire sans qu'ils en fût au courant.

Par chance, et grâce à l'intervention courageuse de Cirlé, cet événe­ment n'eut pas lieu. Le concert put continuer.

C'est au premier solo tonitruant de guitare de Redrah Relhok que Hans, demeuré trop près de la baffle géante, contracta une soudaine, mais charmante pigmentation glauque, parsemée de points verdâtres. Son expression rappelait alors une ancienne pyrogravure aux doigts de Schmitty de Gromkopfland, représentant Jagrip Lerb après avoir fumé sa pre­mière décoction d'Hellébore. A ce propos, procurez-vous dans les plus brefs délais le célèbre ouvrage de Jagrip Lerb, rédigé immédiate­ment après cette première expérience : Le pouvoir psychique de l'intelli­gence mentale sur les éléphants volants déguisés en dayaks, ou Com­ment distinguer une fourchette carnivore d'un rucksac Adadas[3]. Hans loucha un instant, puis profita du fait qu'il s'évanouit pour ramasser son tympan droit avant qu'une personne malintentionnée ne le lui écrase ou confisque.

Les glaives s'en donnaient à coeur-joie, devant une foule enthousiaste et déchainée. Les paroles, composées par Redrah Relhok et Ozzy (© 216 ap. Bono), laissaient transparaî­tre l'émotion attendrissante et la grave prise de conscience d'un monde sur lequel des plan­tes poussaient et des hommes vivaient :

- Ãþæ ð ßåÿ, ! Disaient-elles, expressives au plus haut point.

Seuls les créatures du chaos pouvaient comprendre, mais tout le public était ravi.

Hans se réveilla juste à temps pour le final. Il ne put s'empêcher de déposer une gerbe, tant il était mal en point. Il remis en place son tym­pan avec flegme et son doigt.

Les spectateurs applaudissaient à tout rompre. Le concert avait été un triomphe.

Une créature appelée Hopla Noir grimpa sur l'estrade et s'approcha du groupe. Elle applaudit également les musiciens, tout en leur serrant la main à chacun. Elle s'adressa à Cirlé :

- Bonjour, mon nom est Prumpf Celui-Qui-Sait. Vous cherchez un oeil de dragon at­teint de strabisme divergeant, n'est-ce pas? Pour 80% des recettes du spectacle, je vous donne un tuyau en or!

- Ok, dit Cirlé, on en a vraiment besoin. Voilà vos Grandes Bronzes.

Le Hopla Noir lui remit un objet cylindrique en or. Il ajouta :

- Le seul endroit où vous trouverez des dragons loucheurs est l'Ile aux Enfants, là où c'est tous les jours le printemps.

- Mais, nous sommes dans l'Ile aux Enfants! Répliqua Cirlé.

- C'est bien, je vois que vous avez suivi mon conseil.

Il disparut.

Hans n'avait rien suivi du concert, mais, grâce à la mémoire sonore phénoménale de son épée, il put en voir une reproduction exacte en morse pédestre gigotatif grâce à l'ex­traordinaire agilité des quelques doigts de pieds frétillants et débordant de la fine lame. Quelle extase que de profiter de l'harmonie si musicale du heavy-plastic, mêlé au light-rouille, orchestrée de main de maître par le nouveau groupe en forme du moment : Cosmic-Wurst.

 

* * *