VII.        CHAPITRE … ET COLEGRAM

 

 

Comme chacun le sait, la production de cérumen est sensiblement plus abondante à l’approche de l’Adipeuse Aglaë-Sidonie Labidoche de Tupulbouque, la belle-mère du puissant démon Grumbeerekopf le Lubrique. Celle-ci, mécontente de rater sa séance de Dieuxébon, gros bilboquet-démon à effets pluriels et usages variés, avait lancé un sortilège maléfique à Hans pour se soulager.

Il fut ainsi affecté de la terrible maladie de Bouffissure, qui consiste en un gonflement du corps du patient et une tendance fâcheuse à la pétomanie. Le remède, encore inconnu à nos jours, était de se frotter vigoureusement les fesses au papier-toilettes émeri.

Pour être rigoureusement exact dans les proportions, Hans ressemblait à présent à une enseignante d’allemand que l’auteur a lui-même subi dans sa jeunesse insouciante.

 

L’état séborrhéique dans lequel se trouvait Hans lui permit d’entrer en transe profonde au cours d’une rave furieuse organisée par Messire DJ Toufik au château de Prozit-les-Bocks.

Dans ses rêveries, Hans distingua nettement le Pecnomicon, l’objet de quête qu’ils recherchaient âprement, ainsi que son actuel possesseur : Sacréboudiou l’archidémon.

Leur mission se précisait enfin !

 

Ayant quelque peu forcé sur l’hydromel et les pastilles colorées, Cirlé et Hans s’accordèrent un petit mois de repos afin de se remettre en jambes.

Après s’être renseignés sur leur destination, nos héros atteignirent le pays de Séfoukomtékon, après avoir traversé l’océan de Reumétonphrok, à dos de Poux de Mer aux fesses palmées, non sans avoir évité de justesse un affrontement mortel avec une horde de Mongols d’Orack désirelesques.

Dans son œuvre grandiose et encore peu connue, « L’intelligence est une faiblesse de l’esprit », aux éditions Faidodo, Jean-Prosper de Nostradamaousse avait prédit la levée du soleil chaque jour, la fin du monde l’année dernière, ainsi que de sérieux ennuis à quiconque toucherait à son pack de bière fétiche.

Il aurait pu prévoir que le démoniaque Pecnomicon, l’ouvrage maudit, allait être invoqué des Mondes Engloutis pour servir la cause du Mal en la personne de Sacréboudiou lui-même, mais il avait d’autres préoccupations.

 

Alors qu’ils avaient établi leur camp aux alentours du Vazydon, Cirlé et Hans eurent l’heureuse surprise de voir débarquer le guerrier qu’ils avaient commandé par correspondance : Jéroboam le Pétillant.

A son arrivée, le combattant s’annonça, puis salua Cirlé :

- Honneur à toi, grand Cirlé, Patron des Seigneurs aux pieds de poule. L’herbe se courbe de pâmoison devant ta foulée légère. Ton regard de braise aux yeux fermés se pose sur l’horizon lorsque la nuit se lève. Ton acné féroce …

- Cesse de te répandre en oiseuses panégyriques, cher Jéroboam. Voici Hans, fils de Hans, mon laquais. Viens nous rejoindre, nous sommes en train de composer un nouveau morceau : Merguez Rhapsodie, qui fera l’ouverture de notre prochain concert.

 

Jéroboam s’assit sur son postérieur. A ses côtés reposait une masse de guerre-démon hérissée de piques : Brisemiche de Tumlékass.

Comme son gros orteil gauche le laissait supposer, Jéroboam appartenait à la race éteinte des Hommes de Gromoignon au Cul-Terreux, ce qui ne l’empêchait pas de profiter de la nuit tombée pour se reposer.

De même que tous les cyclopes de son espèce, Jéroboam ne dormait que d’un œil, ce qui nous laissait la possibilité de le décrire brièvement : couché, il mesurait 40 cm de haut et 2,35 m de long. D’un côté se trouvait sa tête, de l’autre ses jambes. Entre les deux se situaient ce que l’on pourrait appeler ses bras, fermement fixés au niveau de ses épaules. Bien sûr, l’imprécision de ces renseignements anatomiques était à mettre sur le compte de l’obscurité ambiante.

 

Ce qui importait finalement, c’est que Jéroboam comptait parmi les guerriers les plus puissants du royaume et qu’il allait aider Cirlé et Hans à récupérer le Pecnomicon.

 

 

* * *

 

VIII.     UN PEU D’HISTOIRE

 

 

La Légende du Camembert Ruisselant disait que Sacréboudiou, l’Incarnation du Mal, voulait tantôt imposer sa suprématie ô mon dentier, à l’aide de son armée de démons, de Wibele et de sa femme.

Au cours de sa première bataille, il eut le malheur de confondre les Gentils et les Méchants. Ces derniers, courroucés d’avoir été frappés par un confrère, lui infligèrent le Châtiment du Rouston Torsadé.

Puni pour les soixante treize prochains millénaires, Sacréboudiou l’archidémon purgeait sa peine dans le bastion de Kanaarvécé, au-delà des Vallées du Géant Vert, aux limites du monde connu.

Expédié au coin sans ménagement et coiffé d’un bonnet ridicule, Sacréboudiou ruminait, le postérieur scellé magiquement à un tabouret-démon. Dans cette position inconfortable, il devait expier ses crimes, le regard collé aux murs de sa geôle et en y gravant une infinité de fois sa punition : « Je ne dois pas regarder sous les jupes des filles ».

Telle était la loi du Rouston Torsadé : dure mais sévère.

En s’appropriant le Pecnomicon, l’ouvrage démoniaque rédigé par l’alsacien Rasmus Schweissfehs, Sacréboudiou avait entre les mains le moyen de s’échapper de sa cellule et d’assouvir enfin sa vengeance : trouver un morceau de papier-toilettes avant qu’il ne soit trop tard.

 

Le retour de l’archidémon dans le Top 50 des Méchants ne manquerait pas de déstabiliser l’équilibre de la Balance Cosmique où s’inscrivait chaque action menée par le Bien ou le Mal.

La Balance elle-même ne disait-elle pas à ce propos : « Veuillez vous peser un par un » ?

Cette gouleyante citation n’égalait en rien l’alambiqué proverbe du téméraire Attila Diboufi : « Au royaume des rois, les aveugles sont. », qu’il n’usait que lorsque lui prenait l’envie de se citer.

 

* * *

 

IX.            L’HISTOIRE VERITABLE DE LOUFY-QUI-PENCHE-A-DROITE

 

 

C’est au cours d’une courte halte dans les sinistres régions d’Ammer, au début du mois de Gromembre, que nos valeureux compères eurent écho de la fameuse histoire de Loufy-qui-penche-à-droite, qui allait être déterminante.

Le royaume d’Ammer était nauséabond. L’air d’Ammer sentait le gruyère : il était également réputé pour faire un malheur.

La principale créature locale, le Hamster d’Ammer, comptait parmi les plus cruelles du coin.

 

Toujours est-il que c’est à cet endroit précis que Cirlé, Hans et Jéroboam rencontrèrent Piou-Piou, dit Tête d’Oursin, qui leur conta l’Histoire véritable de Loufy-qui-penche-à-droite, l’un des premiers chapitres du Pecnomicon :

 

« En des temps reculés et lointains, lorsque l’Ere appartenait encore au Passé et la Terre était encore jeune, vivait un jeune berger sportif et large d’épaules dont la profession était de chasser les fleurs de coquelicot.

Ce jeune berger, malgré une déformation prononcée de son appendice nasal, qui l’empêchait de renifler droit le produit de ses poursuites braconnières, était nez-en-moins grand et large d’épaules. En outre, son front intelligent mettait en valeur ses yeux de braise, sombres et insondables, mais cependant invisibles car le jeune berger contrôlait mal sa pilosité crânienne et ses cheveux de 87 cm de long lui voilaient entièrement le visage (à l’exception du nez tordu).

Cette malformation allait finalement être fatale pour Loufy (car c’est bien de lui qu’il s’agit), le jour où il décida d’aller chasser le célèbre Aïjéma-lokok 6, variété infiniment rare de coquelicot sans fleur.

Ce jour là, le soleil brillait fort dans le ciel, les oiseaux chantaient à tue-tête et les coquelicots bronzaient avec béatitude. Seul Loufy patientait tranquillement, l’oreille aux aguets, prête à signaler le moindre cri de Lokok 6, facilement reconnaissable en période des amours. Ce ne fut que lorsqu’il s’assoupit qu’il aperçut furtivement une Lokok 6 grimper contre une paroi murale lisse et démunie de prises.

N’écoutant que son courage, il se lança à la poursuite du précieux coquelicot et entama la façade Est du mur. Au bout de quelques minutes d’ascension souple et aisée, Loufy décida, la fatigue venant, de continuer avec les deux mains, facilitant encore davantage l’escalade.

C’est à ce moment que le drame survint : le coquelicot lui échappa soudain des yeux ! Et pour cause : sans le savoir, Loufy, dans un jeté phénoménal d’adresse, avait secoué imperceptiblement la tête, ce qui provoqua une projection imposante de ses cheveux vers l’avant. Lorsqu’il regarda autour de lui, il ne vit plus rien. Croyant qu’il était devenu subitement aveugle, il décida d’abandonner sa quête et de redescendre la paroi, en s’aidant cette fois de ses deux pieds. Mais un malheur ne venant jamais seul, il glissa sur un reste de tarte aux pommes à la cannelle et chuta. Vers le bas. »

 

Le récit palpitant de ces aventures laissa nos héros totalement indifférents. Ils décidèrent de poursuivre leur quête.

 

* * *

 

X.               LAARSEN VAN SCHNIDL’DIDNT

 

 

Ce titre de chapitre peu évocateur pour nous, ne saurait qu’introduire la suite d’une épopée déjà fort avancée, dans un lieu fréquenté par les plus avenants fripons : l’auberge de Moulakek décrite ci-après.

Sans vouloir être grossier, la vie à Séfoukomtékon était plutôt prospère à 16 heures. Ce même Prosper régnait pourtant en despote sur le trône du Pain d’Epice, à l’est du Vazydon, et avait pour coutume de citer sa devise à qui voulait l’entendre : « Youplaboum ! ». Cette maxime enjouée, toujours bien à propos, avait établi sa réputation, principalement quand venait l’heure du goûter.

 

Toujours sans nouvelles du Pecnomicon, notre trio héroïque s’était donné rendez-vous à Sandékoné, la capitale du pays, où il avait remporté un concours de décapsulage de moumoute en période sudatoire.

Pour satisfaire leur formation dans ce domaine, Cirlé avait fait appel aux enseignements des trois spécialistes en la matière : les sœurs Furoncle.

Guidés par leurs pantalons respectifs, nos trois héros se mirent soudain en route en direction des serveuses de l’Auberge du Moulakek pour y trouver quelque indice.

 

Comme chaque jour bissextile en ce mois de l’année, la célèbre taverne était le lieu de réunion annuelle de la démoniaque Guilde des Mastiqueurs de Cervelas, avec à sa tête le sorcier Peutikanayou, Grand Prêtre de la Confrérie de l’Asperge.

Cette secte fut décrite partiellement dans le second volume de l’ouvrage « Ma vie aux toilettes » de l’illustre Latherine Deneuve

 

Profitant des congés annuels de l’artisan principal du village, Gnaflu Dugligli, le Dénoyauteur de testicules de poules, Cirlé, Hans et Jéroboam décidèrent de visiter Séfoukomtékon, la capitale d’Ammer, en touristes.

 

Arrivés à la place principale, ils se consternèrent de voir Prépusse le Vigoureux, le doyen du village, prendre l’initiative de se soulager dans la fontaine centrale, toujours abondante en truites et Wibele en cette saison du mois. Malheureusement, la belle-fille de Prépusse, la jolie Jouvencette du Gland-Moite y prenait son bain au même moment, et Marcel le Mérou avait également choisi cet instant décisif pour abuser d’elle en toute amitié.

Fort déconvenu, Prépusse – toujours alerte pour son âge – prit son ouvre-boîtes et trancha en un seul coup la tête et les deux jambes de Marcel le Mérou.

Jouvencette était sauvée et son père la maria sur le champ à Don Diego de la Viagra, le fameux Chevalier de la Chaise Carrée.

La messe fut célébrée sur un air illustre de la « Chevauchée des Vaches-qui-rient ».

 

La scène à laquelle nos trois héros venaient d’assister les laissa littéralement assis sur leur chaise, en train de siroter leur hydromel à la terrasse du café.

Sur demande de Cirlé, le serveur leur apporta une cartographie détaillée du Royaume d’Ammer, l’Autre Pays du Fromage. Il s’avérait que celui-ci était divisé en quatre régions : l’Ammer du Nord, l’Ammer Dalor, l’Ammer Picon, l’Ammer Sipourtou’Abiento.

 

Cirlé en était à recueillir ces précieux renseignements lorsqu’arriva le troubadour Gillou, accompagné de son petit accordéon, qui s’en donna à cœur joie, glorifiant les anciens succès musicaux de Thierry Roland et Jean-Michel Larqué en version gothique.

Cirlé lui lança quelques picaillons pour qu’il calme ses ardeurs et leur indique comment trouver Laarsen Van Schnidl’didnt, le grand magicien, seul capable de localiser le Pecnomicon en cette période de l’année.

Hans, sous l’emprise d’une agreste verrue plantaire au creux de l’oreille, n’écoutait que discrètement les colloques alentours.

Ceci d’autant plus que depuis sa dernière communion, celui-ci avait été atteint d’un très grand fléau. Que dis-je ! Une catastrophe apocalyptique : la Suinterie de Pied.

Comme vous le savez, le pied a été inventé aux environs proches du bout de la jambe le plus avoisinant du sol. Le pied est également le principal artifice du Démon, particulièrement comme membre inférieur, et uniquement lorsqu’il est utilisé.

Vous allez me dire que tout le monde connaît ce bon vieux proverbe : « qui pue des pieds en s’endormant, se réveille … seul ». Je ne vous contredirais pas sur ce point.

Cependant, à ce sujet, Ernest Fatsock a récemment cité l’éminent démonologue Fulbert Croupion-du-Touchetoy sur Chaumont qui écrivait dans son œuvre : « t’y es beau mais personne elle veut de toi, alors tripote-toi ».

Mais bon, n’allons pas trop vite en besogne avec ce genre d’allusions licencieuses car vous savez autant que moi que le principe fondamental de la rune est de se torcher avec le côté lisse pour éviter les irritations ; et tout particulièrement quand on a des problèmes de bavation salivaire de type incuro-buccale.

 

Nos trois compagnons, suite aux indications laissées par Gillou, déambulaient à présent dans l’allée centrale du village, qui consistait en fait en une grande rue séparée par des maisons, voire des habitations.

Au détour d’un carrefour, ils tombèrent nez à nez avec une poignée de Broumpfs puissamment armés et maltraitant un pauvre marchand de glaces en lui infligeant le terrible supplice des postillons. Cette torture comptait parmi les plus cruelles du Royaume, particulièrement lorsqu’elle était appliquée au visage.

Les Broumpfs étaient bien évidemment des créatures chaotiques dans la mesure où leur prodigieuse pilosité nasale permettait toute fantaisie dans l’art d’accommoder les nœuds, ainsi que des compositions florales appréciées par tous.

Ces démons cornus et hideux possédaient également une arme secrète redoutable sous la forme de cigarettes-qui-font-rire, contre lesquelles la seule parade possible consistait à envoyer énergiquement un pet-de-nonne, assaisonné à l’ail, en direction de leur odorat inopérant.

A la vue des créatures, nos trois héros revêtirent immédiatement leurs masques à gaz en forme de tête de Mickey et se saisirent de leurs armes.

 

L’issue du combat s’annonçait rapidement favorable, puisque Jéroboam, après quelques étirements et échauffements cardio-vasculaires rondement menés, s’appliquait à écrabouiller tous les hauberts maléfiques qui se présentaient à lui.

L’esthétique de la gestuelle et l’élégance des trajectoires de la masse de guerre de Jéroboam – d’un beau gabarit – témoignaient d’une certaine satisfaction à l’ouvrage chez le combattant.

Il proclamait lui-même, entre deux éclats de cervelle :

-       -         Je suis content d’être heureux : ça me fait plaisir !

Cirlé et Hans observaient la scène avec admiration, une larme d’émotion au coin de l’œil.

 

Malheureusement, suite à quelque sortilège magique, le nombre de Broumpfs ne cessait de croître. La masse de guerre de Jéroboam, en surrégime, menaçait de rompre son contrat.

Au bout de sept heures d’un combat acharné et cent douze créatures émasculées, le fameux guerrier commençait à ressentir un début de grippe au mollet.

Par solidarité, Cirlé et Hans se greffèrent à la bataille afin de soulager Jéroboam dans sa tâche ingrate.

Hans lança son cri de guerre : « Alerte au Malibu : le verre est vide ! », se tordit la cheville, fut atteint d’une crise cardiaque à l’œil gauche durant sa chute, et se fracassa finalement l’arrière du cervelet contre le sol indifférent.

 

 

 

 

 

 

 

XI.             CHAPITRE DE LA MOULE SPORTIVE

 

 

Cirlé et Hans se réveillèrent dans une caverne faite principalement de pierres formant partiellement la cavité sombre dans laquelle nos héros se situaient.

Partiellement, en effet, car comme le faisaient remarquer leurs crânes tout bosselés, les pierres de la grotte étaient en train de s'effondrer hardiment sur nos héros. Ploc, ploc, faisaient les vilains cailloux.

-       -         Nous sommes dans une tanière de Broumpfs, fit constater Cirlé en esquivant nonchalamment et avec grâce les pavés s'écroulant de la voûte. Mettons-nous à l’abri, ajouta-t-il dans un élan de loquacité verbale.

 

Ils galopèrent donc vers le centre de la caverne, où ils seraient assurément plus en sécurité. Cirlé se rendit rapidement compte que les parois de la grotte étaient tapissées de rognures d’orteils de Wibele, signe incontestable de la présence de Mouches-Naines de Guerre, leur principal prédateur en temps de paix.

Au détour d’un croisement, nos deux héros entr’aperçurent un Broumpf qu’ils s’empressèrent de poursuivre dans le dédale d’ongles nauséabonds et affilés.

Leur chasse les mena dans une grande pièce d’où jaillit soudainement une lumière intense provenant des multiples torches qui venaient de s’allumer. Quelques dizaines de Broumpfs les accueillaient à présent, arborant leur indélébile sourire étriqué.

Cirlé et Hans s’apprêtaient à dégainer leur glaives-démons, lorsqu’un hurlement tonitruant leur annonça : « Joyeux anniversaire, Cirlé ! ». C’était Jéroboam qui s’exprimait avec tant de clairvoyance. Les Broumpfs avaient réservé une heureuse surprise à nos compères, avec la complicité du guerrier et de sa masse de guerre.

 

C’était en effet l’anniversaire de Cirlé que fêtaient à présent toute la joyeuse bande de Broumpfs, à grand renfort de cotillons, de trompettes et de costumes ubuesques.

Tous les amis de Cirlé avaient été invités aux festivités. Parmi eux, Cirlé reconnut son pire ennemi, Ylékon, récemment décédé, mais aussi son ami fidèle qu’il n’avait plus vu depuis sa naissance : Pilo Glabrecouy, qui avait tantôt été le frère jumeau de Moufti Ben Snüzl, alias La Folle-Aux-Braies-Satinées, le travesti le plus célèbre du Royaume.

Hans fut chargé de remettre à Cirlé son cadeau d’anniversaire, un talisman cabalistique : la Moule Sportive. Ce joyau satanique avait le pouvoir de téléporter n’importe où, par la seule évocation du nom de son créateur, le fringuant démon Paskal-Obistro.

De joie, Cirlé laissa échapper un zéphyr rectal aromatique.

 

L’orchestre entama les hostilités : il s’agissait du groupe de hard-rock-tendre Morpions, dont le leader Schumi von Tokele exerçait la profession d’éleveur de cérumen à la cour du Roi durant ses loisirs.

Roulement de tambour (en véritable peau de vessie de Grouillemou) : Pilo Glabrecouy s’apprêtait à faire un discours de circonstance lorsque soudain un bruit sourd provenant de l’entrée de la caverne se fit entendre. Qu’est ce que cela pouvait bien être ?

« Je ne sais pas ! », s’exclama vigoureusement l’un des Broumpfs présents dans l’assemblée (exclamation accompagnée d’un mouvement d’épaules du bas vers le haut et suivie d’une onomatopée buccale typique des Broumpfs : « Pfft ! »).

La terrible déflagration qui ébranla les parois de la caverne n’était en fait qu’un rôt de Broumpf, légendaires pour ce genre d’émanations orales à vocalise fracassante. Leurs trémulations de glottes permettaient des modulations vocales remarquables : les Broumpfs se produisaient d’ailleurs souvent en concerts acoustiques dans tout le Royaume, en odorama.

A ce propos, le « Concerto pour Larynx en Gargl! Majeur » était actuellement interprété de façon magistrale par les invités, ce qui produisait dans l’air des relents agréables et odorants, mais surtout une menace d’éboulement imminent dans la caverne.

 

Pour distraire l’assemblée, et parallèlement au concert, une gigantesque partie de Kilékon avait été organisée : le jeu consistait pour les Broumpfs à faire preuve d’une extrême nigauderie face à des situations limpidement simples, ce qu’ils réussissaient généralement en demeurant naturels. L’un des Broumpfs avait pour tâche d’effectuer un trajet rectiligne de la manière la plus abrutie qu’il soit, un second devait boire un verre de Château-Pinahr sans ouvrir la bouche, et ainsi de suite...

Cirlé avait été invité au jeu : il avait pour mission de soulever une pierre sans qu’elle décolle du sol. Il trouva cette idée complètement stupide, à la grande joie des Broumpfs. Après moults tentatives infructueuses, le sorcier en appela aux démons pour élever dans les airs l’ensemble de la caverne : il accomplissait ainsi sa mission. Cependant, le jury Broumpf, jugeant la méthode trop subtile et donc offensante pour le peuple Broumpf, disqualifia Cirlé.

 

Hans, de son côté, avait apprivoisé une mouche-naine de guerre qu’il avait baptisé Zézeth, du nom de sa grand-mère fraternelle.

La Mouche-Naine (du latin gnomus mouchamerdum) était une dangereuse machine de combat parfaitement inoffensive car munie d’une arbalète géante de 7,25 kilos que la mouche avait infiniment de mal à soulever. Elle voletait ainsi avec beaucoup de difficulté, selon des trajectoires aléatoirement confuses, et ne pouvait s’arrêter que grâce à un mur.

Les Mouches-Naines de guerre se nourrissaient exclusivement d’orteils de Wibele, un mets très rare puisque le Wibele de base était unijambiste (mono-orteilliste de surcroît) et peu fréquemment en déplacement sur le plan terrestre.

Hans et Zézeth avaient rapidement sympathisé. La mouche jouissait manifestement d’un quotient intellectuel comparable à son compagnon, mais s’exprimait néanmoins avec abstention. Les deux acolytes s’entendaient donc parfaitement bien.

 

La fête touchait déjà à sa fin. Cirlé ne put s’empêcher de songer au fameux proverbe potzobbien rédigé en braille par le sorcier analphabète Paco Rabbin de Mir-Express : « Les petits ruisseaux ne sont pas très grands ».

Les convives prenaient congé. Nos héros décidèrent de bivouaquer dans la grotte, au risque de sentir des pieds le lendemain. Il va sans dire qu’à force de s’endormir, nos trois héros n’étaient plus du tout éveillés.

 

* * *

 

XII.          CHAPITRE AVEC DES PARAGRAPHES

 

 

Le soleil, n’atteignant pourtant pas cette partie de la caverne, réveilla nos compères.

Jéroboam, qui avait trouvé une charmante compagne hideuse parmi les Broumpfs, s’était résigné à renoncer à la quête du Pecnomicon et à séjourner parmi ce peuple qui l’avait adopté.

Il leur laissa cependant un souvenir sous la forme d’une maladie héréditaire contagieuse extrêmement bénigne qui avait atteint Hans à la poitrine : la Crampe du Cerveau. Celui-ci, pour soulager son malheur, picorait des bâtons de réglisse à la moutarde lorsque la morve venait à coaguler trop dru.

 

Il était 16 heures, le soleil n’allait pas tarder à se lever.

A ce moment précis, Cirlé fit la constatation assurée qu’un Twiddl-Voyageur se dirigeait vers eux, en volant d’un pas déterminé. Le Twiddl-Voyageur était un volatile couramment utilisé pour envoyer des messages écrits à travers tout le royaume. Au même instant, un Platetête à Cou Horizontal, grand oiseau de proie, goba et dévora poliment le petit Twiddl sans le prévenir.

Cirlé s’approcha dextrement de la volaille carnivore et, au hasard, lui trancha l’aile ou la cuisse, ce qui eut pour effet une projection gastrique des restes du Twiddl contre le sol et une fuite penaude du Platetête. Celui-ci s’en alla en demandant son reste :

- Puis-je avoir mon reste, je vous prie ? Demanda-t-il, l’insolent.

 

Le petit Twiddl transportait un message-hologramme de la part du Grand Incubateur Laarsen van Schnidl’didnt. Celui-ci faisait remarquer, d’une part, qu’il était extrêmement fâché de voir son Twiddl aussi abîmé de partout et, d’autre part, qu’il avait eu vent des péripéties de nos deux héros et qu’il connaissait l’emplacement exact où se terrait Sacréboudiou l’Archidémon, le voleur du Pecnomicon.

Selon le message, il séjournait dans une fourmilière géante, sur la rivière au bord de l’eau où les habitants de la cité de Sacey-sur-Menvrais ne se désaltéraient à vrai dire jamais.

Hans s’écria :

- Allons botter le vilain Sacréboudiou séance tenante, messire Cirlé !

Ce dernier était du même avis :

- Je ne suis pas d’accord avec toi, Hans, je n’ai guère confiance en ce sorcier de Van Schnidl’didnt. Je préfère en avoir le cœur net, il m’a en effet déjà embobeliné tantôt. Tirons profit de la Moule Sportive pour nous téléporter chez lui à Séfoukomtékon et lui arracher les Frützn du nez (vieille expression melnibonoise).

Il se mit debout, les fesses au sol, et entonna son incantation magique en balançant son talisman démoniaque tout en invoquant le démon Paskal-Obistro ainsi que son Protecteur, Dreadlock, Seigneur des Ténèbres Sombres.

 

Leur procédé surnaturel les achemina instantanément à Séfoukomtékon.

Cirlé et Hans s’empressèrent d’atteindre le repaire caché de Laarsen Van Schnidl’didnt, exposé à la vue de tous, dans une maison bleue adossée à la colline.

A leur grand spleen, nos héros allaient devoir traverser les Marais de Lèkmichamohrlappl, constitués principalement de fiente de Caribou-en-Gelée et infestés de Eyerkopfs à pattes retournées. Fort heureusement, ces créatures, du fait de leur anatomie inversée, étaient relativement anodines : elles fuyaient en vous attaquant. Mais Cirlé et Hans avaient perdu beaucoup de points de vie lors de leur prochain combat et n’appréciaient guère de succomber avant d’accomplir une mission.

Ils décidèrent donc de parcourir les marais en faisant attention, car un terrible avertissement venait de les mettre en garde : à l’entrée des marécages, un panneau indiquait « Essuyez vos pieds SVP ». A la vue de cette sommation, Cirlé eut l’idée de faire usage du fameux PET4000, un filtre révolutionnaire inventé par Miracle-Max. Utilisé en atmosphère viciée, le PET4000 était appliqué au visage et muni d’une discrète sonde rectale qui recueillait le méthane pour le filtrer et le rendre respirable (voir offres spéciales en Annexes). Tout ceci pour un coût modique de 12 moulfs et une esthétique comparable à son élégance. Ce système très ingénieux allait leur permettre de survivre au moins un moment.

Marcel Chibrenflé, un guide Broumpf sourd-muet, aveugle et eunuque, membre de la secte des Admirateurs Constipés de la Pulpeuse Yvette Horner, les dirigeait à travers les marais. Il connaissait le trajet par cœur et se perdait souvent. Au bout de trois années, à la même heure, ils quittèrent enfin les marais.